L’Union européenne face à un risque de stagflation ?

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Le conflit en Ukraine a provoqué une forte hausse des prix de l’énergie (pétrole, gaz) et des matières premières agricoles (blé, maïs notamment). En parallèle, les sanctions économiques à l’encontre de la Russie pèseront certainement sur la croissance européenne. Inflation élevée et croissance modérée se traduiraient par une situation de « stagflation ». Quelles solutions envisager ?

En seulement deux ans, l’Europe a connu un virage économique à 180 degrés. En mars-avril 2020, les confinements liés à la pandémie de Covid-19 faisaient craindre une résurgence du risque déflationniste, autrement dit une baisse généralisée des prix. Le mouvement est néanmoins resté contenu : en décembre 2020, l’indice global des prix à la consommation en zone euro reculait de seulement -0,3 % sur 1 an[1].

Retour d’une inflation élevée et d’une croissance incertaine

Depuis l’an dernier, la vigueur de la reprise économique « post-Covid-19 », couplée à certaines pénuries (composants électroniques notamment), a donné lieu à une accélération rapide de l’inflation. En février 2022, celle-ci atteignait +5,9 % sur 12 mois en zone euro[2]. Ce chiffre est encore voué à croître avec le déclenchement du conflit en Ukraine, associé à une forte hausse du cours des matières premières. À titre d’exemple, le pétrole est repassé au-dessus des 100 dollars/baril en mars (jusqu’à 139 dollars le 7 mars), contre 80 dollars/baril début janvier[3].

En parallèle, peu de données permettent d’estimer l’impact exact du conflit en Ukraine sur la croissance européenne. Plusieurs pays d’Europe centrale, à l’image de l’Allemagne, étaient très exposés au commerce avec la Russie et l’Ukraine. La situation devrait donc peser sur leur croissance au cours des prochains mois, mais il est difficile de savoir à ce stade si certains d’entre eux pourraient subir une récession.

Une stagflation différente de celle des années 1970-1980

Dans ce contexte incertain, la crainte des économistes est donc de voir apparaître en Europe un risque de « stagflation », désignant un mélange de stagnation économique (ou croissance faible) et d’inflation, très néfaste pour le pouvoir d’achat des ménages. Historiquement, l’Europe et les États-Unis ont connu une telle situation entre le choc pétrolier de 1973 et le début des années 1980. L’inflation, qui atteignait alors près de 15 % en 1980[4], a finalement pu être progressivement maîtrisée par une politique très restrictive des banques centrales (forte hausse des taux directeurs), à laquelle s’est ajoutée une pression baissière sur les prix liée au développement de la mondialisation (délocalisation des productions dans des pays à faibles revenus).

La situation actuelle comporte un point commun avec celle des années 1970-1980 : le choc provient notamment de la forte hausse des prix de l’énergie. Néanmoins, la situation économique s’avère très différente entre les deux époques. En Europe notamment, l’endettement des États européens, devenu élevé, empêche désormais la Banque centrale européenne d’adopter une politique monétaire réellement restrictive, qui risquerait de créer une nouvelle crise des dettes souveraines. De même, le recours à des stratégies de délocalisation pour produire à moindre coût à l’autre bout du monde ne correspond plus aux attentes des consommateurs.

Peu de leviers d’action à court terme

Au cours des dernières semaines, l’exécutif européen a affiché sa volonté de répondre à la crise en opérant un tournant dans sa stratégie énergétique et agricole. L’objectif : réduire sa dépendance aux importations de Russie (gaz notamment). Néanmoins, les projets évoqués (développement des énergies vertes, relance du nucléaire) ne pourront porter leurs fruits qu’à long terme. Dans l’immédiat, le seul levier dont l’Europe dispose pour réduire le risque de stagflation est l’absorption d’une partie des hausses de prix par les États (limitation des prix de l’électricité, du gaz, des carburants). Cette stratégie est toutefois coûteuse et ne pourra être que de courte durée.

Face à ces perspectives incertaines, il convient néanmoins de souligner que l’inflation pourrait se résorber partiellement dans la deuxième moitié de l’année 2022. Une part non négligeable de l’inflation actuelle reste en effet liée à la vigueur de la reprise économique de l’année 2021. D’ici un an, les « effets de base » statistiques de l’an passé devraient commencer à disparaître, permettant de compenser, en partie, la hausse récente des cours de l’énergie.

 

[1] « Le taux d’inflation annuel stable à -0,3 % dans la zone euro », Eurostat, décembre 2022. URL : https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/11562903/2-20012021-AP-FR.pdf/fb774518-7492-a7de-0ce2-5d07612b8b3c?t=1611091880558.

[2] « Le taux d’inflation annuel en hausse à 5,9 % dans la zone euro », Eurostat, février 2022. URL : https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/14358239/2-17032022-AP-FR.pdf/bcb97b47-e829-204f-e9db-d27c71a986df?t=1647426808049.

[3] Cours du Brent, Investing. URL : https://fr.investing.com/commodities/brent-oil.

[4] « Depuis 1979, la lutte contre l’inflation constitue le cadre idéologique dominant des politiques monétaires », Le Monde, 25/10/2019. URL : https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/25/depuis-1979-la-lutte-contre-l-inflation-constitue-le-cadre-ideologique-dominant-des-politiques-monetaires_6016882_3232.html.

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